DEBAT DE LA SEMAINE : Rémunération des chroniques et légitimité

•RÉMUNÉRATION DES CHRONIQUES•
J’aime les sujets polémiques, je me suis abstenu pendant des mois mais il est temps que je partage mon avis sur le sujet. Comme beaucoup, j’ai été « surpris » que certains bookstagrammers se fassent rémunérer pour leur chronique. Plusieurs choses à développer :

1/ La rémunération des chroniques

Désolé de décevoir mais je ne suis qu’un humble et simple lecteur passionné de littérature, assoiffé de culture et de nouvelles connaissances pour enrichir mon esprit. Si j’avais été rémunéré je vous aurais envoyé de la chronique à tire-larigot sur la merveilleuse œuvre de Meg Cabot ou de Mickael Vendetta et mon compte aurait été fermé pour outrage aux mots.
La première chose que mes proches m’ont demandé lorsque j’ai commencé à avoir quelques abonnés était la suivante : « j’espère que tu te fais payer ? », je pense ne pas être le seul dans cette situation, alors on est gêné dans un premier temps car si l’on répond « non », on passe pour un bénévole de luxe, si on répond « oui » on ment. Cela dénote quand même la puissance de l’argent en France, ce côté absence de plaisir gratuit sauf que … nous sommes tous déjà rémunérés. Quoi ? Me serais-je fait enflé ? Non bookstagrammer tu es déjà payé en nature (et la aucune connotation) je dirais même que tu es une sorte de salarié et qu’il y a un petit lien de subordination. Le deal est simple une maison d’édition te contacte et te propose un partenariat (mot valise) tu fais une chronique contre une réception d’un ou plusieurs livres. Nous sommes donc en présence d’un contrat tacite et moral. Alors la liberté que certains prônent ? Permettez-moi d’en douter, vous savez pertinemment que si vous ne faites pas de chronique l’éditeur sera échaudé il retentira peut-être l’aventure avec vous mais pas éternellement. En cela, je trouve difficile de condamner ceux qui se font rémunérer sauf que cela n’est pas précisé. Malheureusement le mal français fait que nous regardons tous dans l’assiette de l’autre, se demande t-on si un avocat prend une affaire pro bono ou s’il se fait rémunérer et combien par son client ?
J’essaie de chroniquer des ouvrages peu connus, je ne suis pas éditeur, journaliste, écrivain ou chroniqueur littéraire professionnel, je prends un plaisir fou à recevoir chaque jour des colis, à ouvrir ces pochettes et découvrir des merveilles. Je n’aurais jamais cru cela possible alors je profite de chaque instant car tout peut s’arrêter du jour au lendemain surtout si pour un mot trop dur ou une parole malheureuse, la caste des donneurs de leçon, qui abaisse nos libertés de jour en jour, décide de m’abattre sur les réseaux sociaux. Je m’égare cela sera l’objet d’un autre article. Je n’ai encore jamais reçu de message négatif, depuis mes débuts en août dernier, ce qui m’étonnerait presque vu la nature humaine, je m’attendais à des jaloux, des envieux, il n’en est pour l’instant rien (ça ne saurait tarder 😅). Alors je m’épanouis dans cette activité et m’interroge sur ces hystéries, ces clouages au pilori, ces stigmatisations sur les rémunérations. La transparence doit être de rigueur et non seulement affichée en message privé. Si le post est rémunéré il faut le spécifier, c’est de la publicité.
En recevant des livres, je conserve une liberté totale de ton tout d’abord, mais également de rythme de lecture. Il m’est arrivé de lire un livre en priorité pour éviter de faire trop attendre un auteur ou une maison d’édition, j’ai arrêté de le faire récemment, on apprend avec l’expérience et je constate que beaucoup ont fait cette erreur au départ au risque de tomber dans la lassitude. Quand je n’ai pas aimé ou détesté un livre, ce qui est assez rare pourquoi ? Parce que dans 99% des cas je choisis les livres avec un résumé et des avis si le livre n’est pas sorti. Quand, à la lecture du synopsis on aime, c’est extrêmement rare dans mon cas de ne pas aimer le reste. Si jamais je n’aime pas j’envoie un mail à l’éditeur pour le lui spécifier et s’il souhaite que je publie quand même ma chronique. Les livres ne m’ont pas attendu pour exister, si je suis le seul à ne pas aimer sur 300 000 lecteurs c’est que je ne dois pas être la cible, si nous sommes nombreux, une mauvaise critique ne changera pas l’avis général.

2/ Se faire rémunérer et l’objectivité ?
Il est évident que ce point est très clair, on ne peut pas être objectif si l’on est rémunéré. Nous avons déjà du mal à dire du mal d’un auteur car nous savons qu’il y a un travail derrière, des heures pour corriger, des heures pour éditer, des heures pour publier etc... voir plus bas sur la légitimité.
Peut-on être payé pour écrire une chronique ? Je suis peut-être minoritaire mais je ne trouve pas cela indécent tant que la précision est visible. Entretenir un compte Instagram prend du temps, du temps qui n’est pas utilisé à d’autres fins (nourrir son enfant, se laver, faire l’amour... c’était pour détendre l’atmosphère 😅). Cependant, dans une autre logique, est-ce que les éditeurs vont franchir le pas de rémunérer les chroniques étant donné que cela leur donne de la visibilité et un bénéfice plus ou moins grand ? N’oublions pas qu’un chef d’entreprise qu’est un éditeur doit faire tourner sa maison. Le monde des livres n’est pas en pleine expansion et certaines maisons comme Le Serpent à plumes qui était merveilleuse a du fermer ses portes, derrière une maison il y des femmes et des hommes qui comme vous travaillent toute la semaine pour avoir un salaire décent. Si maison ne dégage pas de bénéfice elle ferme, l’image bisounours du côté culturel du livre oui mais ne tombons pas non plus dans la facilité de l’utopie.
Il est vrai que dans tous les autres domaines (beauté, high-tech tech et autres) les influencers se font payer passé un certain niveau de popularité et directement par les marques la plupart du temps. On a du mal à imaginer une différence entre vendre un parfum et qu’il ne plaise pas à l’abonné et vendre un livre qu’on a aimé mais qu’un abonné n’aimera pas. Cependant la différence avec les journalistes est bien nette car ils sont rémunérés par une entité différente. Le monde ne produit pas de livres (quoique si) l’express alors ? Mince également, allez Le Nouvel Obs ne produit pas de livre donc les journalistes (logiquement, nul n’est à l’abri d’un copinage ...) restent objectifs mais payés.

3/ Et si on agissait sur le temps ?
Rémunérer pourquoi pas ? Mais une idée serait peut-être de rémunérer par rapport à la date de la chronique. Les éditeurs aiment bien que l’on sorte une chronique dans la semaine qui suit la sortie. Soyons honnêtes c’est quasi impossible sauf pour certains titres envoyés bien en amont. Nos piles à lire et nos réceptions quotidiennes sont nombreuses alors pourquoi pas faire passer en priorité certaines lectures de façon rémunérée. Il ne sera aucunement question du contenu mais bien de la date de chronique. Vous voulez que je chronique le 11 mai, pas de problème mais vous passez donc devant tous les autres auteurs, ce qui mérite rémunération, pourquoi pas ? Vous ne respectez pas le contrat et donc le délai alors pas de rémunération, rien d’infamant à mon sens.

4/ Légitimité
Sommes-nous légitime à chroniquer et percevoir une indemnité ? Seuls les éditeurs peuvent y répondre. J’ai du mal à imaginer certains d’entre vous refuser d’être payés pour lire.
Mais est-ce que le fait de critiquer un livre, coule les ventes de ce dernier ? Loin d’être évident, mieux vaut une mauvaise publicité que pas de publicité. Chacun est assez adulte pour ne pas tomber dans le piège du mouton de Panurge. Chacun a sa vision de la lecture, chacun ses goûts, chacun ses détestations, nous ne sommes que des passeurs avec un humble avis sur un livre à un moment présent, un instant T. J’ai lu des livres dans un état de fatigue qui me sont passés parfois au dessus de la tête, si je les relis, peut être que ma vision et mon avis changeront. Quand vous lisez vous n’êtes pas forcément concentrés totalement, une phrase peut modifier la perception générale d’un livre, elle peut tout changer, votre téléphone sonne et cette phrase n’aura plus la même saveur. Une chronique ne tient parfois qu à un fil.

Bilan : je milite pour un cessez-le-feu immédiat des vindictes populaires, je ne suis pas contre les rémunérations sous conditions (précision d’un post rémunéré, sur la date de publication uniquement) et surtout pour promouvoir la culture et la littérature dans vos sphères, pour éviter que trop de cons ne se reproduisent.

Commentaires

Articles les plus consultés