Les petits de Décembre, Kaouther Adimi : saisissante Algérie

Aucune description de photo disponible.•SAISISSANT•
🦊 Alger, 2016. J’ai un rapport particulier à ce pays. Mes parents y sont nés, eux qu’on appelait pieds-noirs. Obligés de partir de leur enclave si idyllique. Cette terre où toutes les communautés étaient soudées, ou chaque souvenir paraît nostalgique. Je vois mon père peindre un tableau de chaque ruelle, sa mémoire flanche légèrement mais il se documente pour y revivre chacun de ses souvenirs. La tu te dis qu’en lisant toutes mes chroniques tu peux faire une fiche de renseignement, à transmettre à la DGSE. On fera un quizz en fin d’année pour voir si tu as tout suivi•••


🦊 Kaouther Adimi a du talent c’est un euphémisme. Un terrain vague à Alger qui fera ressurgir les affres d’un pays à travers ses codes culturels. Une société algérienne avec ses faux-semblants, totalement décrite et subjuguée par la plume fluide de l’auteure. Trois jeunes qui vont venir défendre leur terrain de jeu si cher à leurs yeux. Deux généraux qui s’imaginent tout raser pour faire leur propre demeure. Mais la résistance depuis de nombreuses années, la volonté d’insoumission sera prégnante au sein du roman. Le passé si riche de ce pays ne peut être oublié, ce roman n’en fait pas exception. Attentats terroristes, colonisation, FLN, toute l’Algérie au détour de subtilités très habiles, est examinée. Le mystère de ces deux généraux charismatiques s’épaissit, la révolte gronde, on sent arriver le point de non-retour. Et l’auteure tisse sa toile, elle nous emmène la où elle le décide avec élégance, sans faux-fuyant. La corruption policière, l’hypocrisie d’un système, la place qu’occupe la religion sont tant de domaines qui font de ce roman une lecture importante. Cette facilité à tuer un homme, j’ai toujours été fasciné par ces sociétés où la mort en devenait banale quotidiennement, où l’État de droit que certains vilipendent pour si peu, n’est pas apprécié à sa juste valeur. Le droit à la sécurité, certains, pardon, beaucoup n’y ont pas droit, la faute aux gouvernements parfois mais surtout à l’inconscient collectif.
Ce roman est une bulle d’air lucide, un entonnoir qui abat ses cartes sans vergogne. La multiplicité des points de vue de cette histoire est admirablement gérée, on alterne entre les généraux et les jeunes pour creuser en profondeur les complications générées•••


🦊 Extraits : «Les gens se plaignent que l’Etat n’envoie pas de secours et que si peu de pluie puisse paralyser l’ensemble d’un pays, mais personne n’ose critiquer trop vivement la pluie. Elle est l’œuvre de Dieu. » ••• « Le fils avait tout vu. Il tenait la main de son père au moment du coup de feu. Il l’a tenait encore lorsque les ambulanciers arrivèrent. Il l’a tenait malgré la flaque de sang, malgré son père qui ne répondait plus, malgré les sanglots de sa mère. Que pouvait-il faire d’autre que tenir la main de ce père aux yeux grands ouverts ? »

 🦊 Éditions du Seuil, aout 2019•••

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