La danseuse, Patrick Modiano
Plonger dans un roman de Modiano, c'est comme s'enfoncer dans un cocon de douceur, tel un fauteuil enveloppant qui nous isole du tumulte extérieur. Les silences qui ponctuent son écriture, la mélancolie d'un Paris d'antan et les souvenirs enfouis au plus profond de mon être m'emportent dans une rêverie enchantée.
Avec "La Danseuse", je suis en terrain connu : la légèreté, la grâce et la recherche de la perfection du geste, répété inlassablement. "Casse le coude, grand jeté, battement tendu, première, troisième, saut de biche…". L'écriture dépouillée, épurée au fil d'un travail acharné, confère au style une aérienne. La tendresse infuse les pages, qu'elle émane de moi ou du regard bienveillant de Modiano sur ses personnages. Peu importe, nous ne faisons plus qu'un.
Malgré ses quatre-vingt-quinze pages et ses chapitres courts, je suis happée par le fil ténu qui se tisse entre ombre et lumière. Une dimension mystique se déploie sous mes yeux, la ballerine m'imprègne de sa légèreté et je me prends à marcher sur un fil avec Modiano.
L'auteur me guide dans les méandres de sa mémoire. Comme à chaque fois, je fais la connaissance d'une nouvelle muse, ici une danseuse croisée à ses débuts, alors qu'il se cherchait encore. Il déambule le long des quais de Seine, ses repères immuables, et effleure les rives de ses souvenirs. Par instants, une étincelle jaillit de l'obscurité, éclairant des fragments de son passé.
Les rues, le quartier de la Porte de Champerret, le studio Wacker, le Grand Kniassef, le Paris interlope de Modiano surgissent au détour d'une rue, devant un immeuble ou à la terrasse d'un café. Ce Paris n'est pas sans danger, peuplé d'individus aux intentions troubles, comme les frères Barise qui traquent la danseuse et la guettent chaque fois qu'elle prend le train de Saint-Leu-La-Forêt.
Je me délecte de ce Paris en noir et blanc, en compagnie de Modiano. Nos promenades paisibles ne sont troublées que par de rares apparitions lumineuses. Pourtant, au fil des pages, une histoire se dessine. Je me retrouve à tenir la main de Petit Pierre, le fils de la danseuse que Modiano garde occasionnellement, un enfant livré à lui-même. Je suis envoûtée par chacun des spectres qui hantent ce récit, car chez Modiano, rien n'est anodin. Je regarde Petit Pierre assembler ses puzzles et savoure ces instants précieux en compagnie de "Patoche". Mais il est temps de retourner au monde d'aujourd'hui...
La Danseuse" est une nouvelle invitation à la rêverie signée Modiano. Une lecture poétique et mélancolique qui nous transporte dans un Paris d'après-guerre, où les fantômes du passé côtoient les espoirs d'un avenir incertain. Un roman court mais intense, qui laisse une empreinte durable sur l'esprit du lecteur.
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