Tâches rousses, Morgane Montoriol, éditions Albin Michel

🥁PULSATIONS FORTES🥁

🥊 Si tu étais une activité sportive, tu serais la boxe. Pour ta capacité à virevolter, esquiver, contourner, frapper et mettre K.O. Taches rousses est un roman qui n’a de cesse de foncer tête baissée, prenant le risque de fausser le jeu pour mieux atteindre sa cible. Nul besoin de gants, la cloche sonnera dès les premiers instants. Uppercut ou droite, tous les coups sont permis ici bas, dans ce ring à l’odeur du sang, enfilez votre protège-dents, cela va secouer. Beck a perdu sa sœur en Oklahoma à l’âge de quatorze ans, aucun corps n’a jamais été retrouvé. Depuis, elle s’accroche à la vie, sous l’égide d’un vieil homme qui lui trouve des castings pour être comédienne, le métier qu’aurait dû faire sa sœur. Abhorrant ses taches de rousseur, faisant ressortir les stigmates de son passé, elle en fera une force. Le serial killer qui rôde, les émotions qui s’accentuent, tout est réuni pour ne plus lâcher ce roman ? A travers des chapitres faisant office de rounds, les différents protagonistes offrent leur vision des événements avec pudeur parfois mais également avec lucidité et horreur•••

🔪 Si tu étais une arme, tu serais un scalpel. Avec ton écriture sans retenue, tu arrives à n’avoir aucun tabou, aucune limite dans le vocabulaire parfois cru et intense. Tu scalpes les émotions et chaque personnage pour en faire une histoire à laquelle on adhère. Taches rousses n’est pas un thriller mais bel et bien un roman, les étiquettes que l’on pose sur un livre viennent de céder avec Morgane Montoriol. L’auteure prend son temps, décortique, suggère, conditionne chaque action pour que tout prenne son sens au-delà de l’entendement. Chaque situation humaine prend ses marques et en devient chirurgicale. Les différentes incisions égrenées par l’auteure prennent tout leur poids au fil de leur comportement. Beck est surprenante puis attachante, l’amour dont elle fait preuve pour sa sœur disparue éclate de manière tranchante. Les morts s’enchaînent sans qu’on ne voit venir l’intrigue. Pourtant, la mort rode. L’interdit semble poindre à tout instant•••

🇺🇸 Si tu étais un personnage tu serais l’oncle Sam car si l’auteure avait été américaine, nul n’aurait pensé qu’elle soit française. L’ambiance des États-Unis y est parfaitement retranscrite, les personnages qui se répondent en sont la parfaite incarnation. Longtemps, je me suis imaginé ces derniers en chair et en os, m’apparaissant à la fois caricaturaux et profondément ancrés dans une tradition patriotique si éloignée de la nôtre. Le luxe et l’opulence parfois, la démesure souvent, le storytelling régulièrement et la violence récurrente font que l’univers américain ne peut être occulté. Loin des clichés, Morgane Montoriol écrit avec méticulosité et précision les affres d’une société au mal-être évident. Un premier roman osé, intelligent, qui en appellera forcément d’autres pour qu’aucune barrière ne soit établie entre les genres•••
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🦊 Éditions Albin Michel, janvier 2020•••

🦊 Extraits : « C’est étrange de voir un homme que l’on a connu, réduit à n’exister que dans un cadre. » ——————————————————

« Je brûle d’ôter ce masque. Il n’a jamais réellement collé à mon visage. Il ne s’est jamais vraiment fondu à mon ovale. Il y a bien trop de bosses, sur sa surface. Ce n’est pas un masque que l’on pose et qui s’accroche en un clic. Il faut que je le masse chaque matin, pour le chauffer, pour qu’il tienne mieux. Et puis il faut que je l’ajuste, que je le resserre, que je l’appuie longuement et fortement sur ma peau jusqu’à ce qu’il pénètre ma chair, jusqu’à ce qu’il s’imbibe de mon sang, jusqu’à entendre mes os craquer; pour qu’il prenne forme. Et à chaque mouvement de lèvres, je le sens se décoller. Je sens qu’il glisse, sur cette peau pourtant assez épaisse pour le retenir.» 

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« Mais réussir à tout prix n'est pas l'huile de mon moteur. C'est rarement uniquement pour soi-même que l'on veut briller. On veut réussir, car il faut prouver à ceux qui vous ont aimé pour rien, qu'ils ont eu raison de le faire. Et à ceux qui ne vous ont pas aimé, qu'ils ont eu tort les salauds. La victoire est inutile, si personne n'en est témoin.»•••