Encre sympathique, Patrick Modiano, Editions Gallimard

🕵🏻‍♂️ENQUÊTE EN FILIGRANE🕵🏻‍♂️

🦊 Avec Patrick Modiano, on ne sait jamais à quoi s’attendre. Année après année, il arrive encore à nous surprendre. A travers une enquête à la recherche de Noëlle Lefebvre, il n’a aucun mal à nous emporter dans ces tranches de vie si particulières. Ces tranches de vie qui, avec le temps, ne sont plus que de vagues images. A la fois floues et imprécises, se fier à sa propre mémoire devient le parcours du combattant. Alors on s’invente des histoires, des moments qu’on aurait aimé vivre mais certains ne sont que fictions. Encre sympathique creuse dans ce sillon si intime qu’est la mémoire. Avec une narration personnelle, en perpétuel mouvement au fil des années, les fausses pistes se multiplient. Doit-on toujours trouver une solution à un problème ? Et si finalement, certaines disparitions ne devaient pas être comprises ? Alternant le chaud et le froid dans une mémoire narrative qui va vous intriguer, Patrick Modiano apporte sa magie au texte•••

🦊 Difficile d’en dévoiler davantage dans la trame initiale. Excepté que le narrateur fut engagé dans une agence de détectives dans les années 1960 avec le dossier Lefebvre, où les éléments pouvant l’aider, se comptent sur les doigts d’une main, tout au plus. Modiano nous laisse dans ce doute, qui nous a tous déjà contaminé. Cette incertitude d’une personne croisée dont on se souvient mais dont on n’a plus de nouvelles. On s’interroge et toutes les théories, même farfelues, commencent à poindre. Poésie, douceur et mélancolie sont au firmament de ce roman. On en ressort rempli de confusion, d’apaisement et d’interrogations. Rares sont les romans si prennent le parti d’être autant à la marge d’une structure linéaire. Le prix Nobel de littérature vous prendra la main, vous ensorcelez par ce prisme hors du temps qu’évoque ce texte. Aux confins de la mélancolie, de l’errance et du charme modianesque, on ne résiste pas très longtemps. Nulle fioriture, nulle envolée spectaculaire, Modiano ÉCRIT. Un roman désordonné mais de façon subtile pour ne jamais perdre le fil, un Modiano qui se dévoile avec finesse, un Modiano qui reste en mémoire•••

🦊 Éditions Gallimard, octobre 2019•••

🦊 Extraits : « Pour la première fois, ces souvenirs venaient la visiter, à la manière d’un maître chanteur dont vous êtes certain qu’il a perdu votre trace depuis longtemps et qui, un soir, frappe doucement à votre porte.» ——————————————————

« Je crois qu’il est préférable de laisser courir ma plume. Oui, les souvenirs viennent au fil de la plume. Il ne faut pas les forcer, mais écrire en évitant le plus possible les ratures. Et dans le flot ininterrompu des mots et des phrases, quelques détails oubliés ou que vous avez enfouis, on ne sait pourquoi, au fond de votre mémoire remonteront peu à peu à la surface. Surtout ne pas s’interrompre, mais garder l’image d’un skieur qui glisse pour l’éternité sur une piste assez raide, comme le stylo sur la page blanche.» ———————————————————

« Il ne faut jamais se fier aux témoins. Leurs prétendus témoignages sur des personnes qu’ils auraient connues sont inexacts, la plupart du temps, et ils ne font que brouiller les pistes. La ligne d’une vie disparaît derrière tout ce brouillage. Comment démêler le vrai du faux si l’on songe aux traces contradictoires qu’une personne laisse derrière elle ? Et sur soi-même en sait-on plus long, si j’en juge par mes propres mensonges et omissions, ou mes oublis involontaires ?»•••