Le ghetto intérieur, Santiago Amigorena, P.O.L :

•FOR INTÉRIEUR•
🦊 Coïncidence ou pas, je publie mes impressions sur le ghetto intérieur le jour de mon anniversaire. Il ne pouvait en être autrement, le roman de Santiago Amigorena m’est apparu comme une évidence. Puissant tout en simplicité, nous sommes sous l’eau, noyé par cette chape de plomb. Les yeux humides, on s’identifie à cet homme, à la justesse de ses émotions. Certains le comprendront, d’autres pas. Vicente est parti s’exiler à Buenos Aires avant que les horreurs nazies ne commencent, sa famille et notamment sa mère sont restées en Pologne. Les lettres qu’elle lui envoie, auxquelles il ne répond que très tardivement, sont alarmantes, on sent poindre la catastrophe•••


🦊 Peut-on encore écrire un roman qui sorte du lot sur la Shoah ? Vicente prend conscience que ce qu’il se trame en Pologne est véritablement inquiétant. Il se réfugie dans un mutisme total comme s’il ne pouvait plus réagir à des milliers de kilomètres d’une guerre mondiale. Entre question sur sa propre identité, sur ses propres convictions, Vicente n’est plus le même. L’’auteur par ses digressions, par ces imbrications entre la société argentine et la solution finale, nous prend à la gorge et ne nous lâche pas. A chaque page, d’une façon si subtile et presque indolore, Vicente pense à sa mère, il interroge sa propre conscience sur ce qui fait de lui un juif, un argentin ou un polonais. Cette identité qui nous est propre, qui nous stigmatise, qui nous ramène à ce que nous ne sommes pas vraiment. Comment peut-on définir un homme par un seul qualificatif ? Ce roman aborde un thème si cher à mon coeur avec une vision totalement différente. Les remords, les regrets, l’imagination d’un autre possible apparait, l’espoir si mince soit-il est toujours présent en chacun de nous. Vicente n’est autre que le grand-père de l’auteur, cette histoire qu’on aurait pu appeler, le ghetto silencieux est une petite merveille de douceur introspective. Les informations, les journaux, rien ni personne n’ose croire à cette tragédie, et pourtant…



🦊 Malgré les faits rapportés, nul ne veut être crédule, nul ne veut, nul ne peut s’imaginer que tout ceci est réel. Alors on minimise, on essaie de comprendre et on fait ce que l’on peut pour encaisser le choc. S’enfermer est une solution que Vicente a choisi au détriment de sa nouvelle famille, chacun réagit de façon différente comme lors d’un enterrement. Certains rient à cause du stress, d’autres pleurent, d’autres sont indifférents, d’autres ne montrent aucune émotion mais sont effondrés de l’intérieur. Ce roman est éprouvant, le ghetto intérieur en chacun de nous grandit comme il peut. Amigorena nous emporte avec vigueur dès les premières pages, sa fluidité d’écriture permet de nous ensorceler et de succomber à la profondeur de son récit•••

🦊 Extraits : « En 1941, être juif était devenu une définition de soi qui excluait toutes les autres, une identité unique : celle qui déterminait des millions d’êtres humains - et qui devait, également, les terminer. »
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« Hier, j’ai vu par la fenêtre une femme qui faisait des allers et retours sur le trottoir. Elle a fait ça pendant des heures, son enfant mort dans les bras. Elle pleurait et elle hurlait et elle serrait son enfant mort et elle le montrait aux passants, aux centaines, aux milliers de assauts. Et personne ne la voyait. Personne. Personne ne voyait son enfant mort. C’était comme s’il n’existait pas.»
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« Pourquoi la parole semble t-elle le brûler comme si chaque mot qui pouvait sortir de sa bouche était une petite larme de lave ?»
 

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