Les jours noirs, Brice Matthieussent : dépaysant

•BALADE RUSSE•

🦊 Et si l’intrigue d’un livre n’était qu’un accessoire ? Les jours noirs en serait le parfait étendard. Beaucoup de lecteurs aiment la part d’aléa, de suspense dans un livre. Rares sont ceux qui arrivent à se détacher de cela pour que le livre leur convienne. Et pourtant, le style et l’imbrication des mots n’est-elle pas au-dessus de tout ? Brice Matthieussent nous amène au cœur de la ville de Saint-Pétersbourg, de cette population russe qui traverse la vie avec une fatigue ambiante. Ce peuple voûté par harassé par sa journée de travail, le froid n’y aidant pas, est observé par l’auteur avec une précision et une absolue lucidité. L’espace temps est tout aussi important car la période où s’est rendue l’auteur s’avère être celle des jours noirs, cette période de décembre où le jour est quasi inexistant. A contrario et par hommage, l’auteur compare avec les fameuses nuits blanches de Dostoïevski où c’est la nuit qui en devient absente•••
🦊 La découverte de cette ville mythique pourrait en rebuter plus d’un, n’espérez pas y trouver une belle histoire royale à raconter, c’est bien la réalité urbaine qui est visée. La première partie dans le métro est absolument saisissante. Ces personnes que l’on croise et recroise chaque jour sans y prêter attention, sont bouleversantes. Ce récit autobiographique est court mais intense, la douceur des mots, l’enrobage si naturel de l’auteur fait de ce livre une véritable bouffée d’air frais. On aimerait avoir Brice Matthieussent à chacun de nos voyages pour cet œil si acéré quant aux choses que l’on pensait futiles. Une pincée d’ironie dans un pays si particulier, à la hiérarchie des faux-semblants, la neige immaculée en ressort grandie. Son passé de traducteur depuis quarante ans a-il aidé l’auteur à saisir la puissance de chacun de ses mots ? Il est fort possible que cette expérience lui ait valu une si belle plume. L’usage de la ponctuation permet une aération jamais ennuyeuse ou sirupeuse, ce court récit est un délice•••




🦊 Extraits : « Je suis parmi les gens qui attendent à côté de cette miséreuse, et je la vois. A l’inverse des autres voyageurs, qui font comme si elle n’existait pas, je ne vois qu’elle.»
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« Les vieilles pierres ne l’ont jamais beaucoup ému, mais je ressens une répugnance instinctive devant ce jeunisme despotique qui, comme chez l’individu bodybuildé, exclut toute mâtiné, toute trace du temps, toute acceptation de l’usure. »


 ❓Et vous, un livre sans intrigue c’est possible ?

🦊 Éditions Arléa, Aout 2019•••
🦊 Merci @editionsarlea @brigittesemler

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