Le bal des folles, Victoria Mas, éditions Albin Michel

•HYSTÉRIE LITTÉRAIRE•
🦊 Lors de la rentrée littéraire il y a six mois, nous étions enchantés en écoutant Victoria Mas, parler de son prochain roman, Le bal des folles. Notre ouïe avait déjà senti qu’il allait être un des romans les plus forts et appréciés. On ressort rarement d’un hôpital indemne, les odeurs, les patients, le rythme qui s’égrène, rien n’est laissé au hasard pour vous éviter d’y revenir. Victoria Mas a une écriture si ronde, si pure, n’essayez pas d’y chercher quelconque digression, ce roman tape juste. Les mots se suffisent à eux-mêmes, on entre avec elle à la Salpêtrière en compagnie de femmes « aliénées ». Pourquoi ces guillemets ? Car le mot aliéné revêt un sens bien différent d’aujourd’hui, en 1885. Il fut un temps, se faire interner n’était pas une tache si compliquée. Un mari, un frère pouvaient demander à faire interner leur femme ou leur sœur pour un motif fallacieux ou intéressé. Ce pouvoir du patriarcat n’est pas si vieux, c’était hier ou presque où certaines valeurs républicaines dont l’égalité et la liberté ne s’appliquaient pas à certaines femmes ou minorités•••
🦊 On suit Louise qui se fait abuser par son oncle, Geneviève qui se dévoue au célèbre professeur Charcot, Eugénie qui dialogue avec les morts (celle que j’ai adorée, notamment lors de sa confession à sa grand-mère de peur qu’elle aussi la dénonce) ou Thérèse la prostituée déchue. Toutes ces femmes au delà d’être attachantes, sont fortes pour leur époque et permettent une éclairage nouveau sur une période bien peu commentée. Le neurologue Charcot effectue des expériences sur les jeunes internes avec notamment ce fameux bal costumé où elles se retrouveront toutes. L’attente de ce mystérieux bal tout au long du roman est l’apothéose d’écriture que nous propose l’auteure. Attendre pour ces femmes , c’est espérer un peu de joie dans cet univers plutôt sombre. En tant que lecteur, nous sommes servis par ce désir d’y retrouver ces femmes plus épanouies, moins étriquées dans leur prison. Nos yeux trépignent, nos yeux saignent parfois devant des actes abjectes et indignes humainement. On s’attache comme dirait Christophe Maé, à tous ces personnages, on apprécie le style Victoria Mas, la limpidité d’un premier roman qui mérite les louanges déjà existantes le concernant. Si vous étiez encore réticent(e)s à lire un roman adoubé par la critique, c’est le moment de craquer avant qu’il n'obtienne le Renaudot et que son prix augmente 😅 fort heureusement ce procédé commercial n’existe pas en littérature ! A cette époque les progrès de la médecine étaient bien minces, on ne savait pas soigner les fous et les femmes qui osaient s’émanciper. Ce qui est encore plus fort est que Victoria Mas n’assène pas ses phrases de poncifs historiques, le contexte n’est présent que pour faire émerger des femmes et leur donner toute la lumière qu’elles méritent•••
🥇Prix Stanislas 2019
🥇Prix Patrimoines BPE 2019
🥇Prix première plume 2019
🦊 Extraits•
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« Souvent, la vérité ne vaut pas mieux que le mensonge. D'ailleurs, ce n'est pas entre les deux qu'on fait son choix, mais entre leurs conséquences respectives.» •••
« Mais la folie des hommes n'est pas comparable à celle des femmes : les hommes l'exercent sur les autres ; les femmes, sur elles-mêmes » •••
« Vingt ans n’est rien, pour changer des mentalités ancrées dans une société dominée par les pères et les époux. Aucune femme n’a jamais la totale certitude que ses propos, son individualité, des aspirations ne la conduiront pas entres ces murs redoutés du treizième arrondissement. Alors elles font attention »•••
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