Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois, éditions de l'Olivier

L’image contient peut-être : une personne ou plus et plein air, texte qui dit ’Jean-Pa Dubois Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon PRIX GONCOURT 2019’ •GONCOURT TOUJOURS•

🦊 Un Prix Goncourt c’est souvent comme une palme d’or à Cannes, tu te précipites dessus et tu es souvent déçu. Cette année 2019 contrecarre tous les préconçus car non seulement « Parasite » fut un chef d’œuvre mais que dire de ce livre de Jean-Paul Dubois ? J’aurais pu dire : majestueux et m’arrêter ici. Mais il y a des livres que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Tentez de vous rappeler les 10 livres que vous avez lus l’année dernière, vous verrez que vous n’en retiendrez que bien peu, celui-ci demeurera inoubliable. Je n’avais jamais lu Jean-Paul Dubois que je connaissais pourtant depuis bon nombre d’années, ayant peu d’attirance pour le Québec d’où sont majoritairement issus ses romans. Les certitudes sont faites pour être décontenancées, car c’en est fini j’ai envie de tout lire chez cet auteur, envie de découvrir le Québec à travers ses mots•••


🦊 Je ne sais par où commencer tant les domaines abordés dans ce roman font état d’une douceur, d’une simplicité, d’une hauteur faisant de ce livre un concert de louanges. Si vous êtes assez classique dans votre cheminement littéraire, vous allez être décontenancé car Jean-Paul Dubois arriverait à rendre subtil de l’acide hyaluronique dans les lèvres de Régine. Paul Hansen et sa famille forment une famille atypique pourrait-on dire, entre un père pasteur, accroc aux paris hippiques, sa mère qui accepte de passer dans son cinéma « Gorge profonde » le ton est donné à travers un divorce qui cassera les codes. Paul est incarcéré depuis deux ans dans une prison canadienne, Jean-Paul Dubois va semer quelques indices tout au long du roman, nous sommes alors dans l’attente de savoir de quel crime il fut coupable. Parce qu’on oscille entre le passé de sa famille, son propre vécu, on se surprend à lire qu’il se met très souvent en dehors de l’action, telle la main invisible d’Adam Smith. La vie carcérale de Paul déclenche une puissance des mots, une humanité dégoulinante de justesse. Humanité, mot que beaucoup d’êtres humains oublient, font semblant de croire ou de voir, un mot, un état d’esprit déchu depuis des années dans une société si individualiste•••


🦊 Voila pourquoi ce roman m’a tant marqué, ému nous mettant tous devant nos propres turpitudes. Jean-Paul Dubois est un artiste des mots, un artiste du phrasé, à la fois rythmé et sur un fil d’Ariane, arrivant à faire basculer une certitude de l’autre côté. Une digression est toujours risquée, mais contrairement à ce que disait le grand philosophe et penseur Jeff Tuche "Tu peux faire 5 digressions, pas 15 », je m’insurge et considère que Jean-Paul Dubois peut en faire autant qu’il le désire car elles sont délicieuses. Paul Hansen est un homme lucide, pensant différemment, agissant de façon plus originale, il se retrouve esseulé avec tous ses morts autour de lui. Ses morts qu’il a côtoyés, qu’il a aimés mais qui ne sont plus que des voix présentes dans son esprit évitant qu’il ne s’ennuie dans sa cellule. Un grand romancier est aussi celui qui arrive à nous faire croire que son histoire est réelle, j’ai longtemps pensé qu’elle était la vie personnelle de l’auteur. Jean-Paul Dubois réussit un tour de force avec enchantement, magie et subtilité. Ce personnage de Paul Hansen, ce super intendant est touchant, un homme qu’on pourrait croiser régulièrement mais qui ne s’affirme pas assez pour qu’on le repère. Là, réside le talent de l’écrivain pour en faire un homme admirable et singulier•••

🦊 Éditions de l’Olivier, septembre 2019•••

🦊 Extraits : « Il était aussi probablement le dernier ou l’avant-dernier des douze ou treize enfants réglementaires que son père avait dû essaimer tout au long des années, et l’on sentait bien qu’à l’heure des repas, tous les quittes lui étaient passés devant. Ce qui expliquait que, même arrivé à l’âge adulte, il continuait d’arborer une maigreur telle que sa chemise donnait l’impression de flotter comme une bouée autour de son cou. »
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« Devant la Cour, il suffit qu’une veuve déclare se retrouver privée de satisfaisantes et fréquentes relations sexuelles, pour qu’un jury lubrifie son chagrin avec une gratification qui va de 250 000 à 300 000 dollars»
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« Il était infiniment facile d’aimer une femme pareille, de partager ses réveils, de se coucher près d’elle et de ressentir que ce seul ce moment magique signait la fin de l’Age sombre. Ma femme était à la fois la cape, la baguette, le lapin et le chapeau.»•••

 

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