Habemus bastard Tome 1, Sylvain Vallée, Jacky Schwartzmann
Un revolver dissimulé sous une soutane. Après avoir foulé au pied le commandement « Tu ne tueras point », Lucien, tueur à gages de son état, endosse l’habit ecclésiastique pour échapper aux représailles du milieu. Ce déguisement de fortune lui ouvre les portes de la paroisse : il s’improvise prédicateur, négocie de nouveaux contrats à son avantage et, sous le nom de « père Philippe », déjoue les conspirations les plus perfides. Connaissant mieux que quiconque les abysses de l’âme humaine, il manie la parole comme une arme et n’hésite pas à plonger dans le vif du sujet. Tout lui semble profitable… jusqu’à ce que José, un puissant caïd cherchant à venger la mort de son fils mafieux — abattu par une bande rivale dont le parrain n’est autre que l’oncle de Lucien —, le place dans son collimateur.
Dans cette bande dessinée en deux tomes, Sylvain Vallée adapte avec finesse la satire corrosive de Jacky Schwartzmann. Le premier volume retrace l’exil imposé de l’assassin dans le Jura, sous le couvert de la soutane noire. Les auteurs évitent les travers du « Tueur » de Jacamon et Matz — adieu soliloques interminables —, et choisissent un découpage nerveux, empruntant autant à Habemus Papam (2011) de Nanni Moretti qu’à Inglorious Basterds (2009) de Quentin Tarantino, tout en soufflant un parfum nostalgique aux Tontons flingueurs (1963) de Georges Lautner. Par une maîtrise de l’ellipse, l’intrigue se déploie sans temps morts.
Amoral jusqu’au bout des ongles — l’anti-héros viole impunément les lois du Décalogue (meurtre, adultère) —, le récit ne laisse aucune place à la rédemption. Le trait semi-réaliste de Vallée cisèle les visages et saisit l’intensité des émotions dans une perpétuelle torpeur. Le lecteur, constamment déstabilisé, oscille entre fascination et malaise : art ou simple scandale ? Toute once de compassion est méthodiquement anéantie. En toile de fond, la jouissance charnelle précède inexorablement la mort. Pour parfaire ce cocktail visuel, Elvire de Cock intervient avec une mise en couleur élégante : elle sublime le graphisme sans jamais en gommer la force brutale.
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