Le Dieu-Fauve
Dans cet album percutant, Fabien Vehlmann et Roger Ibáñez Ugena nous plongent dans un univers où l’inhumanité des hommes rivalise avec la cruauté de la jungle. Au centre de l’intrigue, Sans-Voix — un jeune singe albinos au destin brisé — gagne d’abord son rang au sein de sa troupe, avant d’être capturé par des mercenaires en quête d’une arme redoutable. Rebaptisé « Dieu-Fauve », il devient l’instrument vengeur de ses ravisseurs… jusqu’à ce que la survie exige qu’il se rebelle.
Vehlmann signe un scénario haletant, où la violence n’est jamais gratuite mais toujours au service de la psychologie des personnages. Chaque rebondissement révèle un peu plus l’âme tourmentée de Sans-Voix et la perversité de ceux qui l’exploitent, donnant à cette fable écorchée une dimension presque mythique.
Graphiquement, le trait nerveux de Roger Ibañez Ugena cisèle à la fois la sauvagerie des affrontements et la majesté des paysages. Les plans rapprochés, souvent en contre-plongée, acccentuent l’émotion brute — colère, peur, douleur — tandis que les scènes plus calmes laissent poindre une tragique mélancolie. L’usage de palettes sombres, rehaussées de touches plus chaudes lors des rares instants d’intimité, crée un contraste puissant qui renforce l’immersion.
Au-delà de l’aventure, Le Dieu-Fauve interroge la frontière ténue entre la bestialité et l’humanité : qui est le vrai prédateur ? Ce récit, à la fois âpre et captivant, égratigne nos certitudes sur la domination et la liberté, et prouve que la bande dessinée peut être un terrain de réflexion aussi percutant que la peinture ou le roman. Une expérience visuelle et narrative à réserver à un public averti — âmes sensibles s’abstenir, mais amateurs de récits puissants, foncez !
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