Interlude
Nous sommes en hiver 1944, dans les forêts enneigées des Ardennes belges. Les alliés, après le débarquement de Normandie, peinent à poursuivre leur avancée vers Berlin : le froid glacial, la boue et la résistance allemande rendent leur progression lente et éprouvante. Dans l’attente des parachutages de vivres et de munitions, les soldats, engourdis, voient leur moral vaciller.
C’est alors qu’un largage inattendu change le quotidien de ces hommes : parmi les caisses, apparaît un piano droit Steinway, peint en vert olive comme les jeeps américaines. Musiciens amateurs, officiers et simples soldats s’empressent de redonner vie aux touches et, le temps d’un morceau de l’orchestre de Glenn Miller, retrouvent un bref répit dans l’horreur du front.
Ce clavier devient rapidement un talisman : signe d’humanité et de nostalgie, il relie chacun à la vie d’avant et réinstaure l’espoir. Plusieurs hommes refusent de le quitter, prêts à risquer leur peau pour l’emmener avec eux. La musique, murmurent-ils, permet de panser des plaies invisibles : elle offre un refuge où l’on peut évoquer les souffrances — comme celles des femmes victimes de violences — sans sombrer dans le désespoir, et même découvrir que certains soldats allemands partagent leur goût pour la country.
Céline Pieters et Célia Ducaju transposent cet épisode méconnu en bande dessinée, s’appuyant sur des faits réels — oui, des pianos Steinway furent réellement parachutés pour redonner du cœur aux troupes. Leur dessin, aux teintes hivernales subtiles, et leurs textes, empreints de poésie et de retenue, évitent le pathos tout en rendant un vibrant hommage à la résilience et à la fraternité. Un détour inattendu par la musique pour réchauffer les âmes sur les champs de bataille.
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