On l'appelait Bebeto

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Dans sa précédente transposition scénique d’Un Ennemi du Peuple d’Ibsen, Javi Rey explorait déjà les tensions fraternelles à travers le conflit de deux frères aux valeurs opposées. Avec On l’appelait Bebeto, il revient à cette problématique du lien fraternel, mais cette fois autour d’une absence irrémédiable : le narrateur y pleure la perte de son grand frère, emporté trop tôt. C’est dans ce vide laissé par l’enfant disparu que surgissent Bebeto lui-même et sa cousine Sorrow — un nom anglo-saxon soigneusement choisi, puisque Dolores aurait résonné d’une tristesse trop frontale.

Le propos, d’une simplicité confondante, ouvre pourtant de multiples fenêtres d’émotion. On évoque souvent qu’un enfant décédé devient une étoile dans le firmament ; ici, c’est tout un ciel qui s’allume dans le cœur du lecteur, et au-dessus de cette banlieue barcelonaise où l’usine et les terrains de foot ont remplacé les champs et la vieille fontaine de Saint-Pierre. Seul le rivage, baigné de soleil, semble demeurer intact, gardien muet d’un passé plus paisible.

Le récit, porté par un texte à la douceur mélancolique, rappelle la force et la fragilité des songes d’enfance qui persistent malgré tout. Les dialogues — d’une justesse bouleversante — et le découpage, finement ciselé, insufflent à l’ensemble une grâce et une tension palpables, comme ces questions existentielles que l’on se pose au croisement de deux chemins, enfant ou adulte. Le trait de Rey, empreint d’une bienveillance passionnée, croque ses personnages avec une délicatesse rare, nous berçant tout au long de l’album.

Et puis il y a cette image, presque onirique : un petit footballeur, aux pieds minuscules, qui guide le ballon comme on berce un enfant imaginaire. Un pur moment de poésie.

Un énorme coup de cœur.

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