Signé Olrik

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Dans ce 30ᵉ volet des péripéties de Blake et Mortimer, nous découvrons le dernier travail d’André Juillard, disparu trop tôt, qui signe ici non seulement le dessin mais aussi le choix du décor — la mystérieuse Cornouaille — et l’introduction subtile du légendaire roi Arthur dans la série. Publié chronologiquement avant L’Affaire du Collier, l’album nous ramène en 1958, au cœur d’une Grande-Bretagne secouée par l’exploitation des mines bretonnes, où affluent les ouvriers étrangers.

Le professeur Mortimer, sollicité pour son expertise géologique, se voit rapidement pris dans un engrenage politique : l’arrivée massive de travailleurs étrangers suscite réactions xénophobes et discours nationalistes, pendant qu’Olrik, fidèle à lui-même, tire les ficelles dans l’ombre. Yves Sente, à la plume inspirée, déploie une intrigue d’espionnage classique à la sauce « so british », ponctuée de fantastique historique — la légende arthurienne surgit sous forme de « taupe » d’un autre âge — et de clins d’œil jubilatoires aux grands maîtres du 9ᵉ art, de Tilleux à ses mythiques clins d’œil à La Voiture immergée.

Visuellement, Juillard atteint ici une forme d’aboutissement : son trait précis épouse les falaises battues par les vents et traduit avec émotion la splendeur austère de la lande cornouaillaise. Les scènes d’action — poursuites nocturnes dans les carrières, filatures à la gare de Penzance — se mêlent à des moments plus intimes, où l’atmosphère brumeuse sous-entend la magie arthurienne.

Au-delà du simple polar, cet album interroge notre rapport à l’autre et la manière dont le passé — qu’il soit industriel ou légendaire — façonne nos peurs et nos espoirs. Sente et Juillard nous offrent un « dernier » Juillard doux-amer, empreint d’un grand cœur, qui ravira autant les inconditionnels de la série que les amateurs de bande dessinée cherchant un mariage réussi entre tradition et modernité.

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